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* « La lutte contre la récidive : de l’illusion à la réalité », lu sur le blog  de Michel Huyette


http://www.huyette.net/

 
  Reprenons comme point de départ la phrase du président de la République : "Quand on laisse sortir de prison un individu comme le présumé coupable sans s'assurer qu'il sera suivi par un conseiller d'insertion, c'est une faute. Ceux qui ont couvert ou laissé faire cette faute seront sanctionnés, c'est la règle".

  Cette phrase contient à elle seule une triple manipulation.
 

1.             Dans la réalité, on laisse sortir de prison des individus soit quand ils ont effectué toutes les sanctions prononcées, soit parce qu'ils bénéficient d'une libération conditionnelle. L'individu qui pourrait avoir tué la jeune fille à Pornic, selon les medias non contredits par le gouvernement jusqu'à présent, aurait effectué intégralement les peines de prison qui lui ont été infligées (avec les éventuelles remises de peine prévues par la loi).
  Affirmer dès lors qu'il ne fallait pas "le laisser sortir" sans vérifier ce qui allait se passer ensuite est absurde, car cela ressemble à une invitation faite aux juges (et aux directeurs de prison) de garder dans les murs des personnes au-delà des peines prononcées et effectuées. Bref ce serait remettre à l'ordre du jour la détention illégale et l'emprisonnement arbitraire.

  2. Conditionner la sortie de prison d'un condamné à la possibilité de le suivre revient, de la même façon, à inciter les professionnels de la justice à garder enfermés des individus qui doivent sortir chaque fois qu'il est constaté que les services de probation manquent de personnel et ne pourront pas le suivre ni immédiatement ni efficacement. Dans une telle configuration la durée de la détention illégale dépendrait donc de la volonté du gouvernement de recruter - ou non - des agents de probation en nombre suffisant. On se rappelle qu'au tribunal de Nantes il manque de nombreux agents de probation et il y a près de 900 dossiers non affectés à cause du manque cruel de personnel.

  3. Surtout, et c'est ce qui nous retiendra aujourd'hui, cela incite les français à penser que le suivi d'un individu par un juge d'application des peines et un agent de probation est une garantie absolue d'une absence de récidive. Mais la réalité est toute autre.

  Un suivi, c'est au minimum des rencontres avec un agent de probation. Selon les cas, celles-ci seront plus ou moins fréquentes, mais elles peuvent souvent être espacées de plusieurs semaines.
  Il en va de même d'un suivi médical. Quelle que soit le besoin thérapeutique, l'intéressé ne rencontre le soignant que de temps en temps, en fonction de ce que le professionnel estime utile.
  Cela signifie, et c'est ce que les français doivent savoir, que dans tous les dossiers, et quels que soient le parcours et la personnalité de l'individu suivi, le contrôle ne ressemblera jamais au travail d'un garde du corps qui reste jour et nuit à proximité de la personne protégée.
  En plus, il faut avoir en tête que quelle que soit la méthode de travail du juge de l'application des peines et de l'agent de probation, rien, absolument rien, ne peut empêcher l'individu suivi, entre deux rendez-vous, d'adopter un comportement agressif envers un tiers. Même l'homme qui sort de chez le médecin qui le suit dans le cadre d'une obligation de soins après une agression sexuelle, et qui semble aller plutôt bien peut, le soir du même jour, si des circonstances particulières et imprévues apparaissent, avoir un comportement que rien ne laissait envisager.
  En clair, même si le dossier de l'agresseur de la jeune femme avait été pris en charge par un agent de probation, et même s'il avait rencontré un professionnel une fois par mois, il n'est pas certain que cette intervention l'aurait empêché de commettre une nouvelle agression.
  C'est pourquoi affirmer au seul motif qu'un individu déjà condamné a commis une nouvelle agression qu'il y a eu des fautes de la part des professionnels est un non sens. Ou alors il serait utile que ceux qui crient à la faute nous expliquent comment, s'ils étaient agent de probation, ils s'y prendraient pour faire obstacle à tout comportement inacceptable de tous ceux dont ils assurent le suivi.

  N'oublions pas non plus qu'à toutes les époques, même celles pendant lesquelles la répression contre les délinquants était la plus sévère voire la plus barbare (pilori, torture, galères, pendaison, bagne, guillotine..), jamais aucune forme de sanction n'a empêché la commission de crimes, et une certaine récidive. S'il existait un moyen d'empêcher définitivement les êtres humains d'avoir des comportements aberrants, cela se saurait sans doute depuis longtemps.

  Attention, comprenons nous bien. Evidemment, des erreurs (maladresse que pourraient commettre de nombreux autres professionnels placés dans une situation identique) ou des fautes (manquement propre à son auteur et qui pourrait être aisément évité) sont parfois commises. Il faudrait beaucoup d'aplomb et d'hypocrisie pour prétendre le contraire. Mais encore faut-il que soit faite la démonstration de la défaillance.

Un dernier mot.

  Ce qui est grave finalement dans ce qui vient de se passer, et qui a fait réagir la collectivité judiciaire, ce n'est pas principalement le sens de l'attaque du président de la République contre les magistrats. S'il ne s'agissait que de cela, il n'y aurait pas de quoi en faire toute une histoire. Il y en a eu d'autres, et il y en aura d'autres. Souvent l'indifférence est plus de mise quand ce qui se joue est insignifiant.
  Ce qui est inquiétant, c'est l'ampleur de la manipulation de l'opinion publique avec au centre de la stratégie cette volonté si forte de masquer les carences étatiques, notamment en termes de choix budgétaires, et de transférer la responsabilité de toutes les lacunes sur les professionnels des services publics même quand ils sont délibérément privés des moyens de faire correctement leur travail et font au maximum de leurs capacités.
  Il devient de plus en plus difficile, aujourd'hui, de travailler au service de ses concitoyens.

 

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