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24 mars 2021 3 24 /03 /mars /2021 16:13

 

Je n’ai pas de chance.

 

Je n’ai pas de chance ! Dans mon activité de thérapeute, depuis plus de 40 ans, je rencontre des auteurs et des victimes d’abus sexuels et tout particulièrement dans le cadre intrafamilial. Et on entend dire partout que les auteurs d’inceste (dont on parle d’ailleurs très peu) sont des prédateurs, des monstres pervers probablement récidivistes, et que les victimes d’inceste sont nécessairement détruites, traumatisées et se protègent souvent en oubliant ce qui leur est arrivé. Or, dans le petit échantillon d’auteurs que j’ai rencontrés (dont un peu plus de 200 personnes vues en prison après condamnation), je ne me suis jamais trouvé en présence de prédateurs. Je me suis posé la question d’une éventuelle perversion seulement pour deux d’entre eux. Quant aux victimes que j’ai accompagnées, une seule avait connu un long épisode d’amnésie, entre le jour de la mort de son père, agresseur (elle avait alors 18 ans), et le jour de la naissance de son propre fils (à 30 ans). Et chez aucune des victimes rencontrées, je n’ai trouvé de dissociation ou de destruction massive de la personnalité. Des perturbations souvent, en particulier dans le développement de la sexualité, avec un fort sentiment de culpabilité lié soit à la dénonciation des abus qui entraîne la déstructuration familiale, soit à la confusion induite par le mélange entre la sensation de plaisir, l’interdit, et le secret imposé. C’est le cas en particulier de cette enfant de 8 ans, invitée à « jouer » à des fellations sous la douche prise en commun avec son beau-père. C’est aussi le cas de cette femme de plus de 30 ans venue me voir avec son père, ancien abuseur lors de son adolescence, et qui évoquait ses difficultés sexuelles avec les hommes. « C’est compliqué, me disait-elle, quand on a connu le meilleur… ». Mais j’ai aussi accompagné des personnes qui avaient subi des atteintes sexuelles, des agressions sexuelles ou des viols, et qui, curieusement, ne présentaient pas de traumatisme (au sens premier de risque de mort ou de vécu de « mort psychique ») ou bien qu’il suffisait de soutenir dans un parcours de résilience qu’elles avaient déjà elles-mêmes bien engagé. Pour quelques-unes enfin, le sentiment de culpabilité était lié plus simplement à de fausses accusations qu’elles ont pu m’expliquer.

 

Je n’ai vraiment pas de chance !

 

Je n’ai jamais subi de violences sexuelles, ni en famille, ni hors de la famille. Et j’ai été formé à travailler sur les abus sexuels par des thérapeutes qui n’avaient pas non plus été victimes. Or, il paraît que seules les personnes qui ont été victimes seraient en droit de parler d’abus ou d’inceste. Pourtant, il me semble bien que le fait de ne pas être concerné personnellement, et aussi de rencontrer aussi bien des victimes que des auteurs permet une plus grande objectivité, une meilleure distance avec ces problématiques douloureuses, qui nécessitent, en ce qui concerne les situations d’inceste, la prise en compte de la complexité, de l’enchevêtrement, des dysfonctionnements du contexte familial, avec une possibilité d’empathie multidirectionnelle, c’est-à-dire avec tous les membres du système familial. Et je constate que bon nombre de thérapeutes ou d’associations, qui n’interviennent qu’auprès de victimes, sont moins dans l’empathie pour leurs patients que dans une forme d’identification aux victimes, avec pour objectif principal la vengeance contre les auteurs, qui sont nécessairement des hommes, et le risque d’enfermer les patients dans le statut de victime au lieu de chercher à les en faire sortir.

Et je dois avouer, mais ne le répétez pas !, qu’il m’est arrivé de faciliter des entrevues entre un auteur d’inceste et son ancienne victime. Cela m’est arrivé souvent à l’intérieur du cadre pénitentiaire, avec des victimes devenues majeures mais aussi avec des victimes encore mineures, toujours demandeuses de rencontrer leur parent ancien agresseur. Cela m’est arrivé aussi dans mon cabinet pour des situations d’inceste trop ancien pour relever d’une intervention judiciaire, d’ailleurs absolument pas désirée par l’ancienne victime ni par le reste de la famille. Et cela m’est arrivé bien avant qu’une loi, en 2014, permette enfin la mise en place d’actions de « justice restaurative ». Mais les pratiques en cours préfèrent souvent les rencontres de groupe entre des auteurs et des victimes qui ne se sont pas les victimes de ces auteurs, plutôt que des rencontres directes entre un agresseur et sa victime, comme j’ai pu le faire à plus de 150 reprises, avec la surprise de constater que l’auteur pouvait être le tuteur de résilience de son ancienne victime, lorsqu’il reconnaît les actes commis devant elle (elle : la victime, qui peut être fille ou garçon) et prend en charge seul toute la culpabilité.

 

On pourra bien sûr me taxer de naïveté, et d’incapacité à percevoir la manipulation perverse des auteurs qui se présentent à moi. Je pense toutefois que c’est la confiance établie avec eux qui a permis à beaucoup d’entre eux de me dire leur soulagement lors de leur arrestation, ou qui a conduit certains d’entre eux à éprouver le besoin de me révéler des abus commis, autres que ceux qui avaient motivé leur incarcération. Pour l’un d’entre eux, le procureur consulté a estimé que les 15 ans de prison en cours étaient suffisants pour ne pas en rajouter d’autres. Et pour un autre qui m’a dit avoir commis des abus sur son frère avant ceux commis sur ses deux sœurs, dans une famille où les parents et les 6 enfants couchaient dans la même pièce, le frère que j’ai rencontré lors d’une visite à son frère en prison, m’a confirmé ne pas avoir voulu porter plainte. Et c’est lui qui est venu chercher son frère le jour de sa sortie de prison en fin de peine pour le ramener à son domicile. En ce qui concerne les victimes, je n’ai à aucun moment pris l’initiative de parler de plaisir dans les abus subis. C’est le climat de confiance dans notre relation qui leur a permis d’en parler, ainsi que de la culpabilité ressentie par la suite.

 

Je ne remets pas en cause l’existence de victimes détruites par l’inceste, ni la réalité de la perversion de certains auteurs, car j’ai bien conscience que l’échantillon des auteurs et des victimes que j’ai accompagnés n’est certainement pas représentatif de la totalité des auteurs ni des victimes. C’est la généralisation de ces diagnostics que je tiens à critiquer, car les cas que j’ai rencontrés sont des cas bien réels.  Il reste toutefois une question qui m’interpelle: pourquoi ma patientèle se trouve-t-elle aussi différente de ce qui est présenté comme une règle impérative dans le « discours dominant » ? Je ne vois pas d’autres réponses à cette question que d’une part dans l’écoute empathique a priori, avec une absence totale de jugement, peut-être due précisément au fait que je ne suis pas personnellement concerné par un problème d’abus subi ou commis. Et d’ailleurs, à propos de mon expérience auprès d’auteurs de délits et de crimes sexuels, je n’ai jamais entendu dire qu’il fût préférable d’avoir été soi-même auteur d’inceste pour être en capacité de devenir un thérapeute d’auteurs efficace !  Et d’autre part, ma formation de thérapeute familial systémique m’a appris à prendre en compte le fonctionnement du système familial et ses dérives, les interactions entre ses membres, et particulièrement entre l’auteur et la victime avant de m’intéresser aux problématiques individuelles des uns et des autres. Il est intéressant de noter que tous les auteurs d’inceste que j’ai rencontrés ont tous, sans exception, subi de la violence dans leur enfance, soit directement, que cette violence ait été physique, psychologique (humiliations, rejets, ruptures, placements, deuils…) ou parfois sexuelle, soit en ayant été témoins de violences entre les parents ou sur la fratrie. Ces violences subies, gardées secrètes, non mentalisées et bien sûr non traitées, avaient toutes chances de ressortir en actes dans un cadre familial adulte lui-même dysfonctionnel. Et le secret imposé par le parent à l’enfant victime rejoint le secret qu’on lui avait imposé ou qu’il s’était imposé face aux violences dont il avait été victime ou témoin.

 

Un augure très ambigu.

 

Sur le réseau social « Brut » (apprécié par notre président Emmanuel Macron), on trouve une vidéo où une grande spécialiste de toutes les formes de violence intrafamiliale, invitée sur tous les médias, s’adresse aux enfants de moins de dix ans. Il s’agit du docteur Muriel Salmona, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie. Dans ce document, elle leur prédit qu’ils vont être violés, à plusieurs reprises, par un homme de leur entourage (je suis, à titre strictement personnel, quelque peu rassuré, car les arrière grand pères ne figurent pas dans sa liste des violeurs potentiels, or je viens d’être l’arrière grand père d’une adorable petite fille), et que s’ils en parlent, ils ne seront pas entendus, et qu’ils ont de grandes chances de faire des tentatives de suicide et de connaître des perturbations importantes. De plus, aussi bien la police que les soignants sont annoncés comme incompétents pour faire face à de telles situations. On pourrait penser qu’un tel message, en forçant le trait, vise à une prise de conscience, comme savent le faire des humoristes. Mais là, aucune trace d’humour dans ce discours, qui apparaît bien comme la prédiction d’une mauvaise fée se penchant sur le berceau des nouveaux-nés. Certes, elle est désolée de ce qui va arriver à tous ces enfants, mais elle insiste sur le fait que c’est inéluctable. Alors, surtout, si vous tombez par hasard sur cette vidéo (il suffit de taper « brut salmona » pour en prendre connaissance) éloignez les enfants de l’écran ! Il faut absolument les protéger de cette prédiction terrifiante, qui ne peut d’ailleurs que les encourager à se taire si jamais il leur arrive effectivement un tel drame. 

 D’où vient d’ailleurs le chiffre annoncé de 6 millions 700000 personnes qui ont été victimes d’inceste ? C’est le résultat d’une enquête IPSOS commandée par l’association « Face à l’inceste » (qui s’appelait auparavant Association Internationale des Victimes d’Inceste). Il reste troublant que cette association renouvelle régulièrement de telles enquêtes, dites de victimation, auprès d’organismes différents, et obtienne des résultats en constante et impressionnante augmentation : 2 millions de victimes lors d’une enquête de 2009, 4 millions lors d’une enquête Harris de 2016., 6,7 millions en 2020. Certes, la libération de la parole, l’incitation à dénoncer, entraîne nécessairement une augmentation des révélations. Mais un des responsables de l’ONDRP (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales) souligne que « l’absence de transparence sur la méthode d’enquête conduit à s’interroger sur le chiffre, et non sur la réalité que l’on cherche à appréhender ».

J’ai eu un moment de vive inquiétude : 50% de tentatives de suicide, cela représenterait plus de 3 millions de suicides. Mais non, une lecture attentive permet de préciser qu’il s’agit seulement de 50% de risque de tentative !  Et heureusement, il n’y a pas à ma connaissance, dans notre pays, 6 millions 700 000 personnes psychologiquement détruites.

Cette professionnelle cherche visiblement dans ce message à faire acte de prévention. C’est nécessaire. Mais utiliser les enfants de moins de dix pour faire passer son message est un acte d’une extrême violence. Ce n’est peut-être pas pervers, mais c’est à coup sûr très irrespectueux à leur égard. Et considérer que les institutions, la famille, la police, la justice, le monde soignant, sont dans l’incapacité de les entendre, et qu’elle seule pourra leur venir en aide, cela s’apparente à une autre forme de diagnostic que je qualifierai seulement de « trouble du narcissisme ».

Les abus incestueux sont une réalité qu’il faut combattre. Faire peur ne peut pas être une bonne méthode, car elle entraîne inévitablement une autre forme de violence. La diminution des abus incestueux sur les enfants suppose une approche sociale globale fondée sur la culture et sur l’éducation. Une prévention sérieuse ne pourrait-elle pas s’adresser d’une part aux enfants dès la maternelle en leur apprenant le respect de leur corps et du corps de l’autre et en particulier de l’autre sexué, et d’autre part aux jeunes parents dès la première grossesse pour échanger en groupe sur le rôle de chacun dans le nouveau fonctionnement à venir ?

 

Les familles grandes

 

L’observation des situations d’inceste sur les enfants met en évidence des dysfonctionnements de l’ensemble du système familial. L’auteur et la victime ne sont pas les seuls concernés. L’autre parent, les frères et sœurs, les proches, sont tout aussi acteurs et victimes du jeu familial. Un très bon exemple nous est donné par un livre qui a fait grand bruit. Camille Kouchner décrit, dans « La familia grande », un système familial complètement enchevêtré, chaotique, sans limites, sans pudeur, sans distances ni entre les générations, ni entre la famille proche et le vaste réseau d’amis. Un tel fonctionnement présente tout ce qu’il faut pour aboutir à des dérives, qui dans ce cas précis, sont allées de l’abus sexuel jusqu’aux suicides. D’aucuns estiment d’ailleurs que ce témoignage continue lui-même la violence, en le considérant comme un vol ou un viol par l’auteure de la pensée de son frère qui ne demandait rien si ce n’est à vivre sa vie loin de tout ce passé. Pour certains, ce témoignage pourrait même exprimer le regret de l’auteure de ne pas avoir été à la place du frère !. Mais sans aller jusqu’à de telles interprétations d’un règlement de comptes familial, le dysfonctionnement de cette « grande famille », qui constitue l’essentiel de l’ouvrage, apparaît bien comme le facteur explicatif de l’abus incestueux, même si toutes les familles dysfonctionnelles ne produisent pas nécessairement l’inceste. Et ce livre a eu le mérite de libérer la parole d’anciennes victimes, et donc de permettre de nouvelles révélations, avec le risque toutefois d’aboutir aussi à des dénonciations sauvages.

 

C’est quoi l’inceste ?

 

Dans ce « discours dominant » que je nomme le « psychologiquement correct », il est de bon ton de vouloir « éradiquer » ce phénomène. Utopie totale !  L’inceste, comme la violence, est inscrite dans l’essence même et dans l’histoire de notre humanité. La culture et la vie sociale ont permis une évolution pour contrôler ce qui est effectivement un problème de vie en société. Les mythographes qui ont fait le récit de la création de notre monde, ne serait-ce que dans notre civilisation gréco-romaine, rapportent une histoire remplie de violences et d’incestes : Gaia, déesse de la terre, engendre seule Chronos, avec qui elle va avoir de nombreux enfants que leur père va supprimer pour ne pas être détrôné par eux. Les frères et sœurs vont cependant s’unir entre eux. Et par la suite, Zeus, qui va régner sur l’Olympe, va épouser sa sœur Héra, ce qui ne l’empêchera pas de séduire nombre de déesses et de mortelles pour appuyer son pouvoir.

Il a fallu dans l’histoire de l’humanité que les sociétés se rendent compte qu’il était préférable pour la survie de l’espèce de se reproduire avec des partenaires pris à l’extérieur du groupe plutôt que dans le clan lui-même. Ainsi s’est créé le tabou de l’inceste, qui privilégie l’exogamie à l’endogamie. On trouve ainsi, dès l’antiquité, la trace de sanctions définitives en cas d’inceste père-fille ou mère-fils, la mort ou le bannissement , à Babylone, en 1700 avant J.C.

 

Le code civil

 

La définition de l’inceste, dans tous les bons dictionnaires, est très claire : « relations sexuelles entre un homme et une femme, liés par un degré de parenté entraînant la prohibition du mariage ». C’est l’impossibilité du mariage qui définit l’inceste. Impossibilité et non interdiction. Autrement dit, aujourd’hui, une relation sexuelle entre un frère et une sœur (majeurs et consentants) n’est pas interdite. Elle rend seulement leur mariage impossible. Le code civil précise très clairement jusqu’à quel degré de parenté le mariage est impossible. Cette limite varie d’ailleurs d’un pays à l’autre. En France, le mariage est impossible entre un oncle et sa nièce, ou une tante et son neveu, alors que le mariage entre cousins est possible, contrairement à d’autres pays, ou à d’autres époques : par exemple, le pape avait condamné le mariage entre Guillaume de Normandie et Mathilde de Flandre en 1050, parce qu’ils étaient des cousins éloignés.  Sous le règne de Henri IV, un frère une sœur, enfants du seigneur de Ravalet, en Normandie, ont été poursuivis et condamnés à mort pour leur liaison incestueuse.

 

Le code pénal

 

Aujourd’hui, si le rapport frère-sœur était interdit, nous aurions un article dans le code pénal pour sanctionner de tels comportements. Le tabou, qui définit l’impossible mariage, est ainsi plus fort que l’interdit qui ne ferait que sanctionner un acte possible. C’est la relation sexuelle forcée, « par surprise, violence, contrainte ou menace » qui est clairement sanctionnée dans notre code pénal. Avec circonstance aggravante si l’agression sexuelle ou le viol est commis sur une personne vulnérable, sur un enfant de moins de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité. Nos députés ont réussi, après plusieurs tentatives, à introduire le mot « inceste » dans le code pénal en 2016. Qu’apporte de plus le terme « viol incestueux » au terme « viol sur enfant de 15 ans par ascendant », toujours présent dans notre coide pénal, et qui est pourtant parfaitement synonyme ? La différence est surprenante : le « viol incestueux » n’est plus un viol aggravé, contrairement au viol par ascendant !!! Et de nouveaux textes sont en préparation pour donner plus de poids dans le code à ces abus incestueux. Les textes du code qui datent de la réforme de 1994 et qui sont toujours en vigueur devraient être amplement suffisants, d’autant plus que l’inceste inscrit dorénavant dans le code pénal et qui ne concerne que les abus sur des enfants ( avec la question jamais résolue de la limite de l’âge où s’exerce la contrainte ; pourtant,  il me semblait que le code avait précisé la limite du consentement possible à 15 ans) est différent de l’inceste entre majeurs, clairement défini dans le  code civil sans qu’il soit besoin de le nommer. Différence supplémentaire : l’agression sexuelle et le viol incestueux sont sanctionnés depuis la loi de 2016 s’ils concernent une relation entre beau-père et belle-fille, c’est-à-dire des personnes qui n’ont pas d’impossibilité au mariage : ce n’est donc pas un inceste, stricto sensu !

 

Conclusion… sans doute provisoire

 

Est-ce que les remarques faites ici sur la vidéo de Muriel Salmona et sur le livre de Camille Kouchner ne participent pas à cette violence que je tente de dénoncer ici ? Si c’est perçu comme tel, je m’en excuse. Mais en fait, mes critiques et mes analyses ne visent pas les personnes, mais bien les méthodes et les modes de pensée utilisés. De la même façon, lorsque je reçois un auteur ou une victime de violence ou d’inceste, je fais la distinction entre l’acte, subi ou agi, et la personne. Par exemple, je peux considérer que l’abus sexuel, c’est-à-dire l’utilisation d’un enfant pour éprouver un plaisir sexuel, est un acte pervers, ce qui ne définit pas pour autant l’auteur comme présentant une personnalité perverse structurée. Et mon travail de thérapeute consiste à refuser le jugement moral autant que l’excuse, mais bien à tenter de comprendre comment, dans le dysfonctionnement familial, il en est arrivé à passer à l’acte. De même, je m’interdis de considérer une personne qui a subi l’inceste comme définie uniquement par cet abus. L’impact de l’abus incestueux est à évaluer, et à resituer, avec ses conséquences, à côté de tous les autres événements de la vie. Et il est très réconfortant professionnellement de voir des personnes qui ont subi l’inceste progresser dans leur travail personnel de résilience. C’est aussi valorisant narcissiquement de pouvoir accompagner d’anciens auteurs sur leur chemin de désistance, et dans leur travail familial pour que de telles dérives n’apparaissent pas à la génération suivante.

 

On ne peut que se réjouir de l’évolution actuelle qui a permis, en 40 ans, depuis la toute première révélation en 1984 par Eva Thomas dans son livre Le viol du silence, aux victimes de libérer leur parole, aux professionnels du soin et de la justice de mieux entendre cette parole, même si de gros progrès restent à faire. Je crains toutefois actuellement que la société, dans son ensemble, préfère, au nom de la protection de l’enfance, des méthodes basées sur la répression et sur la peur, qui ne peuvent qu’entretenir le cycle infernal entre la peur et la violence, au lieu de privilégier la prévention et la réparation.

L’association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, ainsi que l’AFIREM (Association Française pour l’Information et la Recherche sur l’Enfance Maltraitée), et d’autres associations de protection de l’enfance ont adressé aux plus hautes autorités de l’état une réponse au message terrifiant de Muriel Salmona. Seront-ils entendus ?

 

 

Michel Suard

Psychologue, thérapeute familial

Association de Thérapie Familiale Systémique

14000 CAEN

 

Auteur de : Inceste, victimes, auteurs, familles à transactions incestueuses

E.U.E. 2018

 

 

 

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commentaires

B
Bonjour Mr Suard, votre blog est toujours aussi instructif. Sans vous invalider dans votre champ de compétence et ayant un Expert de cette thématique, il me semble que l'article 161 du code civil interdit le mariage entre un beau-père et sa belle-fille. Lien internet ci-après : http://valory-avocat.fr/validite-dun-mariage-entre-beau-pere-et-belle-fille/. Respectueusememt
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